C’est en voyant cette belle collection de pierres vertes et mordorées au National History Museum de New York qu’il m’est venu l’idée de rendre hommage à une pierre peu connue : le chrysobéryl.
Son nom étrange nous vient du grec khrusos (doré) et de berullos (pierre brillante).
Le chrysobéryl est un oxyde de béryllium et d’aluminium (Be Al2O4) cristallisant dans le système orthorhombique. (Le prisme orthorhombique est un prisme droit dont les bases et les quatre faces latérales sont des rectangles).
Sur l’échelle de Mohs qui mesure la dureté à la rayure, ce minéral obtient 8,5, juste derrière le diamant et le corindon (saphir et rubis).
Son indice de réfraction élevé (1,746 à 1,756), proche du saphir, en fait une gemme brillante et lumineuse une fois taillée. Sa structure cristalline très compacte lui confère des propriétés physiques et optiques remarquables.
Au 19e siècle, le chrysobéryl était très apprécié en tant que substitut du diamant de couleur.
Pas un chrysobéryl, mais plusieurs !
Autrefois appelé cymophane, nom provenant de kuma (flot, vague) et de phaneros (apparent), pour sa couleur toujours mouvante, le chrysobéryl présente effectivement une légère opalescence caractéristique.
Le chrysobéryl (oserais-je dire ordinaire ?!) se présente dans une variété de tons jaune à jaune d’or ou de jaune-vert, jaune-brun à vert olive. Il en existe également une variété incolore.
Cette couleur jaune est due à la présence de fer (des ions ferriques ou ferreux viennent remplacer des ions d’aluminium ou de béryllium).
Lorsque la magie de la chimie opère et qu’un peu de chrome, élément rare sur le globe, remplace l’aluminium, une autre variété de chrysobéryl, très recherchée, voit le jour : c’est l’alexandrite.
Cette pierre a la particularité optique de paraître verte à la lumière du jour et rouge ou violacée à la lumière incandescente. Elle fut nommée ainsi en l’honneur du tsar Alexandre II.
Sa rareté est telle qu’à qualité égale, cette gemme se négocie au même prix que celui d’un diamant, sinon plus. L’alexandrite est tellement recherchée qu’il faut faire attention aux imitations, en particulier des saphirs synthétiques à effet « alexandrite ».
Certains chrysobéryls taillés en cabochon permettent de révéler un autre phénomène optique : la chatoyance.
Ainsi, lorsque la structure cristallochimique du chrysobéryl a favorisé la formation de lacunes cristallines tubulaires, canaux orientés parallèlement à la direction principale du cristal, on voit apparaître de fines lignes argentées qui glissent sur la surface de la pierre à mesure qu’elle est déplacée sous un éclairage, quel qu’il soit.
Ce type de chrysobéryl est appelé « Œil-de-chat », ainsi nommé car l’effet lumineux produit évoque si bien la pupille en fente verticale du chat qui vous regarde dans la nuit lorsque vous l’éclairez avec une lampe.
Seuls les chrysobéryls ont droit à l’appellation « Œil-de-chat », sans précision. Les autres pierres chatoyantes doivent être citées par leur nom suivi du qualificatif « oeil-de-chat », comme par exemple le « quartz rose œil-de-chat ».
Les gisements
Les plus beaux chrysobéryls de variété jaune sont récoltés dans les alluvions des régions du Minas Gerais, Espirito Santo et Bahia au Brésil. Les cristaux roulés peuvent atteindre des dimensions considérables. On aurait ainsi découvert un cristal de 8kg à Espirito Santo en 1828.
On trouve également souvent des cristaux aplatis et maclés : 3 cristaux qui s’interpénètrent, formant une symétrie hexagonale.
C’est au Sri Lanka que sont extraites les variétés cymophane et alexandrite tant appréciées. Les premières alexandrites furent découvertes dans le gîte d’émeraude de Takowaja, gisement aujourd’hui épuisé.
Des pierres pour têtes couronnées
Autrefois classé avec les béryls comme l’indique son autre nom « béryl d’or » (en grec khrusos signifie or), cette gemme a souvent été utilisée en joaillerie, et en particulier pour des joyaux de couronnes.
Le trésor de la famille royale d’Angleterre détient un Œil-de-chat du Sri Lanka de 313,2 carats !
Le chrysobéryl le plus célèbre est une pierre vert-jaune absolument pure, de forme ronde-ovale de 45 carats appelée le « Hope » car il a appartenu à Henry Philip Hope, possesseur d’un fameux diamant auquel il avait également donné son nom… Cette pierre est aujourd’hui visible au Natural History Museum de Londres.
La Smithsonian Institution à Washington possède des Œil-de-chats de 121 et 172 carats, ainsi que des pierres facettées de 114,3 et 120,5 carats.
Comment le porter
Par exemple, comme Béatrice, la responsable de la galerie. Elle a choisi de faire monter sa pierre en collier, sur une chaîne en or jaune martelée à l’ancienne par Costanza. Ce travail offre un parfait camaïeu à la pierre aux reflets d’or nichée au creux d’un maillon… Elle brille et éclaire le sourire dont Béatrice ne se départit jamais.